Recevabilité d'enregistrements illicites
Le 14 février 2024, la Cour de cassation a rendu un arrêt important (n°22-23.073) concernant la recevabilité des preuves obtenues de manière illicite, en l'occurrence une caméra de surveillance non déclarée par un employeur.
Le Principe de la Preuve Licite
Selon l'article 9 du Code de procédure civile, chaque partie doit prouver ses prétentions conformément à la loi. En principe, une preuve obtenue de manière illicite doit être rejetée dans son intégralité (Soc., 4 février 1998, n°95-43.421). Par exemple, même si un employeur a le droit de surveiller l'activité de ses salariés, enregistrer leurs images ou paroles à leur insu constitue une preuve illicite (Soc., 20 nov. 1991, n°88-43.120).
Les Exceptions à l'Exclusion des Preuves Illicites
Cependant, l'illicéité d'une preuve n'entraîne pas systématiquement son exclusion si cela prive une partie de tout moyen de prouver ses droits (Cass., Ass. Plén., 22 décembre 2023). En combinant l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 9 du Code de procédure civile, la Cour de cassation a précisé que le juge doit évaluer si la preuve illicite porte atteinte au caractère équitable de la procédure. Il doit mettre en balance le droit à la preuve avec les autres droits en jeu, et peut admettre une preuve illicite si elle est indispensable et que l'atteinte est strictement proportionnée au but poursuivi.
Le Rôle du Juge
L’examen de la recevabilité d’une preuve illicite n’est pas automatique ; il doit être demandé par une partie (Soc., 8 mars 2023, n°20-21.848). La Cour a établi des critères précis pour cette évaluation :
Légitimité du Contrôle : Le juge doit d'abord vérifier la légitimité du contrôle effectué par l'employeur. Si la surveillance n'avait aucune justification concrète, la preuve est illégitime (Soc., 23 juin 2021, n°19-13.856).
Alternatives Respectueuses : Ensuite, le juge doit examiner si l'employeur aurait pu obtenir les mêmes résultats par des moyens moins intrusifs.
Proportionnalité de l'Atteinte : Enfin, le juge doit évaluer si l'atteinte à la vie privée est proportionnée au but poursuivi.
Implications Pratiques
Cet arrêt concerne principalement les enregistrements de vidéosurveillance produits par un employeur contre un salarié, mais il pourrait également s'appliquer à un salarié utilisant un enregistrement pour prouver, par exemple, un harcèlement moral.
Ainsi, même une preuve obtenue illicitement peut être recevable si elle est indispensable et que son utilisation est proportionnée.